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chapitre I : du concept d’identité ...



I. Du concept d’identité à l’"accord identitaire dans la voix".

 

- La recherche que je mène est mue par un présupposé que la clinique bioénergétique m’a dictée et qui dès lors constitue une hypothèse de base autour de laquelle chercher confirmations et infirmations : "Si l’identité d’une personne est le fait de sa capacité à intégrer les divers axes identitaires qui la traversent, j’émets l’hypothèse que sa voix est potentiellement vecteur d’expression de chacun de ces axes ; cette capacité à intégrer, à faire un avec ces divers axes et à les exprimer vocalement constitue ce que j’appelle l’"ACCORD" IDENTITAIRE D’UN SUJET". Les axes identitaires représentant en quelque sorte les différents rôles dans lesquels un individu peut être placé dans sa vie.

 

Le terme "accord", je le choisis volontairement dans le registre musical, métaphore de cette réalité d’une portée musicale sur laquelle on peut trouver, faire sonner en un "accord", en une seule et même résonance, trois, quatre, cinq notes produites en même temps et parvenant à l’oreille d’un auditeur en un son harmonieux ou disharmonieux, en un son plus ou moins riche d’harmoniques, de résonances, etc. L’accord identitaire est donc une métaphore de la voix qui selon moi réactive à tout instant d’une expression vocale, d’un "geste" phonatoire, toutes les particularités de l’identité d’une personne.

 

Le concept-même d’ identité suppose d’ailleurs cette notion d’accord ou de désaccord, d’harmonie ou de conflit dans l’intégration de plusieurs éléments contribuant à la constitution de cette identité.

 

Un certain nombre de psychanalystes de ce côté-ci de la Manche hésitent à utiliser ce concept et lui préfère le concept de personnalité. Ils voient dans le concept d’identité un concept fourre-tout des sciences humaines dont il faut spécifier à chaque instant le contenu, concept donc qu’il vaudrait mieux éviter tant il se réfère à de multiples théories explicatives.

 

En ce qui me concerne, je tiens à l’utiliser : ce concept d’identité ne désigne pas seulement les caractéristiques intrapsychiques telles que vécues par une personne mais il désigne aussi, ses caractéristiques de positionnement social, caractéristiques qui interagissent évidemment avec des caractéristiques personnelles. L’identité est à l’interface entre l’intrapsychique et le social. Et nous le savons, lorsqu’il est question de voix, ce ne sont pas seulement des caractéristiques de personnalité qui se font entendre dans les intonations de la voix, reflet des émotions, mais aussi des caractéristiques d’origine apparaissant dans la prononciation d’une langue ou dans un accent, des caractéristiques de culture, de milieu particulier, d’intonation propre à une région, etc... ou/et encore des déformations "artistiques", voulues par exemple par la condition de comédien.

 

Je me range donc ici dans le prolongement de Erik ERIKSON, à qui on attribue généralement la paternité de ce concept d’identité dans les sciences humaines et particulièrement la psychanalyse anglosaxonne et la psychologie du moi.

 

Dans le prologue de son livre "adolescence et crise, la quête de l’identité", dès la première ligne, Erik ERIKSON qualifie et précise l’enracinement du concept et la manière dont il a lui-même contribué à lui donner son sens :

 

"Soumettre le concept d’identité à une révision revient à retracer les grands traits de son histoire. Depuis les années vingt où ce terme était utilisé pour la première fois dans le sens spécial où il sera discuté dans cet ouvrage, son usage courant est devenu si varié et son contenu conceptuel si étendu que le moment est venu pour entreprendre une délimitation précise et définitive de ce qu’est l’identité et de ce qu’elle n’est pas. Toutefois de par sa nature même, le contenu définitif d’un terme reste sujet à des connotations historiques changeantes." (Erikson,1972 : 10/14)

 

On s’aperçoit en le suivant, que c’est la "clinique" et l’obligation faite aux praticiens de se doter d’outils de compréhension et d’intervention pour traiter par exemple des traumatismes psychologiques aussi graves que ceux de soldats "choqués" par la guerre ayant perdu leur "personal sameness", en "crise", en rupture de leur sens d’eux-mêmes et de leur continuité historique qui a produit ce concept.

 

On ne s’étonne pas dès lors que le concept d’identité ait été adopté par les psychanalystes tels Winnicott, Searles, Kohut,... sensibles à l’environnement dans lequel s’ancre l’individu pour se constituer, et qu’il le soit aussi par les psychologues sociaux, les anthropologues, les sociologues d’aujourd’hui qui devant les mutations, les "crises" qu’entraîne notre société postmoderne, observent aussi la crise des lieux de socialisation-références, groupes et communautés, culturels, politiques, idéologiques traditionnellement générateurs des conditions de sécurité nécessaires au processus identitaire.

 

Ce qui est à souligner, si l’on poursuit la lecture de l’introduction de E. Erikson, c’est qu’on s’aperçoit qu’il assortit le concept d’identité de deux qualificatifs : "personnelle" et "sociale", ce qui nous fait remarquer qu’il est nécessaire et courant de spécifier ce concept, mais aussi qu’il suppose deux faces : l’une orientée vers l’intérieur de l’individu, ce qu’on indique aussi lorsqu’on parle du conflit susceptible d’intervenir dans les relations que l’individu entretient avec son propre corps, avec les représentations qu’il se fait de ses relations à son environnement, et donc en relation à lui-même, et l’autre orientée vers l’extérieur de l’individu et qui met en cause ses relations avec son environnement sur un mode de différenciation et donc de conflit virtuel également avec cet environnement, dans les jeux et articulations de rôles qu’il assume.

 

Je rejoins également Erikson, dans le fait qu’il souligne l’importance du processus dans lequel s’inscrit l’identité de l’individu : elle est en perpétuelle mouvance, réalité historique qui remanie constamment tout ce qui était apparu précedemment dans le sens de soi, et qui pourtant, autorise ce "sentiment subjectif et tonique d’une unité personnelle (sameness) et de continuité temporelle (continuity) "(Erikson,1972 : 10/14)

 

Cette définition de l’identité comme un processus en évolution avec l’histoire du sujet, avec ses ancrages sociaux et sa capacité à continuer de s’y reconnaître, et de se reconnaître m’amène donc à considérer que tous ces aspects sont inscrits à tout moment dans l’expressivité de la personne et tout particulièrement dans sa voix.

 

A ce stade de la définition, je m’interroge sur l’intéret de spécifier un des versants de l’identité : l’identité personnelle. Faut-il spécifier l’identité personnelle en identité psychique et identité physique ? Le fait de produire cette spécification ne nous renvoie-t-il pas au dualisme corps-esprit, soma-psyché, alors que des théories récentes nous indiquent comment ces deux réalités, corps et esprit, s’enracinent et se développent dans et à partir de la première, l’ancrage corporel, pour se dissocier progressivement tout en restant toujours indissolublement liés ? Le risque de maintenir le dualisme vaut la peine d’être pris puisque le seul fait d’en parler autorise, comme nous l’indiquent les neuro-sciences, à affirmer cette part corporelle fondatrice de l’identité, en développement continu avec le cerveau.

 

C’est donc dans les termes qui viennent d’être précisés, que j’ose imaginer que l’accord identitaire d’une personne, transparaît dans sa voix, à son insu d’ailleurs, et l’amène à rejouer à tout instant de son existence vocale toute la partition de ce qui contribue à en faire qui elle est.

 

Du point de vue clinique, cette hypothèse d’un accord identitaire dans la voix, et donc de désaccord ou de couacs, de bruits dans la voix, nous invite à affiner notre oreille, non seulement sous forme d’écoute, mais aussi d’"audition". J’y reviendrai.


 

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